Profitez-en, après celui là c'est fini

Tensions autour de la « sousveillance »

avril 19th, 2009 Posted in indices, Parano

Avec la multiplication des téléphones capables d’enregistrer des séquences vidéo, les affaires dans lesquelles des membres des forces de l’ordre doivent répondre de violences commises dans l’exercice de leurs fonctions se multiplient. Inquiets de la diffusion de ces images (parfois bien à tort car elles peuvent tout aussi bien permettre de démontrer leur bonne foi), il n’est pas rare que des policiers prennent l’initiative de détruire les images sur lesquelles ils apparaissent. Plutôt que de détruire ou de confisquer les appareils, ils se contentent d’en supprimer les fichiers. Je veux bien croire que la chose soit fréquente puisque je l’ai vécu moi-même : des contrôleurs SNCF et des policiers m’ont réclamé de vider une carte-mémoire d’appareil photo. Ils y étaient allé complètement au bluff et devant des dizaines de témoins, l’affaire s’est donc réglée sans dommage.
Comme d’habitude, c’est la Grande-Bretagne qui se trouve à la pointe des débats en matière de surveillance et de sousveillance1. Une loi britannique votée en février dernier rend illégale la réalisation de toute photographie ou vidéo amateur montrant des policiers dans l’exercice de leur métier si leur action est liée à la lutte contre le terrorisme. Or « lié à la lutte contre le terrorisme », ça ne veut pas dire grand chose et, selon l’analyse de nombreux commentateurs britanniques, c’est la porte ouverte à une interdiction de filmer la gestion policières de manifestations publiques comme celle du G20 à Londres le 1er avril dernier, manifestation pour laquelle une vidéo amateur diffusée sur Internet avait permis de remettre en cause la version officielle de la mort de Ian Tomlinson, un passant de 47 ans mort d’une hémoragie interne après avoir été sans raison projeté au sol par un policier qui se situait derrière lui.

La vidéo est particulièrement éloquente puisque l’homme marche en confiance, les mains dans les poches et se fait violemment bousculer de manière apparemment complètement injustifiable. On trouvera très intéressant de comparer cette vidéo à la série d’images diffusée par une grande agence photographique qui montre le décès du même Ian Tomlison d’une manière complètement opposée : la police n’est plus auteur d’une agression mais apporte une assistance compassionnelle (l’image que je reproduis ci dessus a tout de la Pietà !) à un homme en train de mourir. 

La police métropolitaine de Londres a lancé en février 2008 une campagne publicitaire qui engage chaque citoyen à surveiller les photographes amateurs et à les signaler aux policiers : Thousands of people take photos every day. What if one of them seems odd? Terrorists use surveillance to help plan attacks, taking photos and making notes about security measures like the location of CCTV cameras. If you see someone doing that, we need to know. Let experienced officers decide what action to take2. Nous en sommes donc à surveiller les surveillants des surveillants !

Dans ce cadre, un éditeur de logiciels pour téléphones portables, hippocampsoftware, a créé un logiciel gratuit pour téléphones BlackBerry baptisé GandhiCam, qui permet d’assurer la sécurité de ses fichiers vidéo.
En effet, sitôt les images créées, le logiciel les adresse par e-mail à leur propriétaire, sans la moindre opération manuelle.

  1. C’est vrai, le mot est laid, surtout en français, et la « sousveillance » n’est jamais qu’une « surveillance » mais faute de mieux, je continue à l’employer. []
  2. Traduction rapide : Des milliers de gens prennent des photographies chaque jour. Que faire si l’un d’eux a l’air louche ? Les terroristes utilisent la surveillance pour préparer des attaques, prennent des photos et des notes au sujet des dispositifs de sécurité tels que la localisation des caméras de surveillance. Si vous voyez quelqu’un en train de faire ça, nous avons besoin d’en être informés. Laissez les policiers expérimentés décider des mesures à prendre []
  1. 3 Responses to “Tensions autour de la « sousveillance »”

  2. By Bishop on Avr 21, 2009

    Je trouve le logiciel de la fin excellent. Je m’étais dis il y a peu que ce serait pratique pour empêcher que des policiers suppriment les images une fois qu’ils ont pris l’appareil photo en question et bim. dommage qu’on ne peut pas avoir le même genre de dispositif pour les appareils photos classique (du moins pour le moment…)

  3. By Jean-no on Avr 21, 2009

    Il existe des modules permettant de transmettre des images par wifi notamment avec des reflex, mais ça demande un sacré budget. C’est utilisé pour des manifestations genre jeux olympiques : les photographes envoient leurs clichés aux rédactions dans la minute.

  4. By jyrille on Juin 7, 2011

    On est en plein 1984 de Orwell… et « Who watches the Watchmen ? » n’aura jamais été aussi vrai. C’est désespérant.

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