Profitez-en, après celui là c'est fini

Science-Fiction

juin 24th, 2008 Posted in Design, Vintage

La science-fiction se trompe souvent et on moque rétrospectivement ses naïvetés. Les villes de l’an 2000 ne sont toujours pas parcourues d’automobiles volantes, nous n’avons pas d’escaliers mécaniques dans nos maisons et des bras robotiques ne préparent pas la nourriture à notre place — du moins pas devant nous dans nos cuisines. Les années rendues célèbres par la littérature ou le cinéma d’anticipation passent sans jamais vérifier aucune prédiction : 1984, 1997, 1999, 2000, 2001.
Mais la science-fiction ne sert sans doute pas à avoir raison ou tort, elle sert le plus souvent à parler du présent qu’elle extrapole ou caricature. Il y a cependant une génération de pionniers du genre, ceux de l’âge d’or de la science-fiction américaine, qui se considéraient comme des chercheurs en futurologie. Parmi eux, Isaac Asimov réclamait qu’on soit indulgent avec ses erreurs prospectives, assumant par avance de voir ses prévisions ridiculisées par la réalité et rappelant que ce qui compte, finalement, c’est que l’on ait apprécié l’histoire qu’il raconte.
Les bons auteurs « prospectivistes » sont ceux qui ne se sont pas contentés d’inventer des objets du futur, mais qui ont décrit de quelle manière ces nouveaux objets changeraient les sociétés.
La bonne science-fiction rend le futur vivant, quand bien même il n’adviendra jamais : se non e vero, e bene trovato — même si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé.

Il y a eu des visionnaires, tout de même. Par exemple Murray Leinster, qui imaginait dans sa nouvelle A logic names Joe (1946) que chaque foyer disposerait un jour d’un ordinateur. Pour mémoire, trois ans avant la rédaction de cette nouvelle, le président d’IBM Thomas Watson résumait le futur marché mondial de l’informatique à « environ cinq ordinateurs ». Et en 1977, Ken Olson, président de DEC, disait encore : « Il n’y a aucune raison que des gens veuillent un ordinateur à la maison ». Évidemment, en laissant son esprit vagabonder en dehors de toute implication financière et industrielle, on est assez libre : pour Murray Leinster, l’ordinateur était une machine pensante, peu importe son format ou sa manière de fonctionner, tandis que pour les présidents d’IBM ou de DEC, un ordinateur était une machine hors de prix, complexe et destinée à un usage précis qui ne pouvait a priori intéresser aucun particulier.
Mais c’est la force de la science-fiction justement : en toute inconséquence, en supprimant les réalités techniques ou commerciales, on peut inventer bien au delà du concevable.
Dans le même registre, John Brunner a imaginé le virus informatique en 1975 dans The Shockwave Rider (Sur l’onde de choc). Mais l’a-t-il prévu ou l’a-t-il inventé ? Est-ce que les premiers auteurs de virus avaient lu son (excellent) roman ?

Parfois, la science-fiction a raison non parce qu’elle s’est montrée prévoyante mais précisément parce qu’elle a inspiré des designers et des ingénieurs. On se rappellera de la télévision et de la visio-conférence, inventées par le caricaturiste Georges du Maurier — qui pensait de bonne foi, semble-t-il, que l’invention était en cours de création par Thomas Edison.
Le rapport entre cette fantaisie d’artiste et le téléviseur n’a rien d’un hasard, car le principe a été repris par divers dessinateurs (Robida, Villemard,…) jusqu’à devenir un véritable cliché science-fictionnesque.

La filiation de l’invention du téléphone mobile est encore plus évidente, ainsi que l’a admis son créateur, Martin Cooper, qui a créé son premier prototype de mobile en 1973, inspiré par le « communicateur » qu’utilisent les héros du feuilleton Star Trek. Ce qui est curieux dans cette invention, c’est que le premier téléphone de Martin Cooper ressemblait furieusement à un énorme talkie-walkie (objet plutôt banal à l’époque puisqu’il a été inventé pendant la seconde guerre mondiale) et que ce n’est que depuis assez peu de temps, disons depuis le milieu des années 1990, que les téléphones portables ressemblent effectivement aux « communicateurs » utilisés par l’équipage du vaisseau l’USS Enterprise.

J’ignore si les premiers assistants personnels comme le Newton d’Apple ont été inspirés par le Tricoder de Star Trek. Son usage est en tout cas similaire, bien que le tricodeur ait eu quelques fonctions supplémentaires : station météo, analyseur médical, etc. Dans ma mémoire défectueuse, le « communicateur » et le « tricoder » de Star Trek étaient un seul et même objet. Sans doute ne suis-je pas le seul à avoir halluciné cette convergence entre téléphone et couteau-suisse informatique, elle est en tout cas effective puisque les téléphones sont aussi des appareils photo, des caméras vidéo, des GPS, des agendas électroniques, des calculatrices, des chaînes hi-fi et bien d’autres choses encore.

Je ne pense pas qu’on puisse espérer évaluer de manière précise l’influence de la science-fiction sur les progrès techniques, mais elle me semble souvent palpable. L’exemple le plus frappant est sans doute la robotique au Japon : les politiques qui ont pris la décision d’inciter fiscalement les sociétés japonaises à se lancer dans la robotiques ont-ils lu Atom Boy, Tetsujin 28-go, Mazinger Z ou Grendizer, lorsqu’ils étaient enfants ? Je parie que oui.
Le Japon est actuellement le pays le plus avancé qui soit en robotique, et je soupçonne que ce n’est pas seulement parce que leur science-fiction use et abuse des robots depuis la guerre — de ce côté-là, les américains sont loin d’être en reste —, c’est aussi parce qu’ils ont ajouté une forte charge sentimentale à leurs histoires de robots.

robots japonais i-fbot, i-foot, etc.

  1. 2 Responses to “Science-Fiction”

  2. By Bishop on Août 19, 2008

    La science-fiction ne se trompe que là où nous avons fait des progrès notables. Si on avait progressé dans le voyage spatial un star trek nous semblerait aussi absurde pour son vaisseau que pour son téléphone. C’est de même dans Blade Runner, autant l’ambiance impression autant les écrans et les jeux….

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  2. Avr 21, 2009: Interfaces de science fiction | Benoît Drouillat

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