Profitez-en, après celui là c'est fini

Virtual obsession

janvier 26th, 2009 Posted in Interactivité au cinéma

Téléfilm diffusé en 1998, Virtual Obsession (dont le titre original est Host) est un peu le Tron ou plutôt le Ghost in the shell du pauvre. Ciblant visiblement le public des gens qui digèrent un déjeuner un peu lourd en s’assoupissant devant leur téléviseur, il a cependant eu les honneurs d’une sortie en DVD.

Le récit se déroule à Salt Lake City dans un avenir proche. Le progrès futuriste le plus spectaculaire du film est que les rideaux s’ouvrent ou se ferment lorsque l’on crie « rideau » et que, de la même manière, les ampoules s’allument et s’éteignent lorsque l’on crie « lumière » ce qui, dans le film, semble plus angoissant que pratique.
Le héros est le docteur Joe Messenger (Peter Gallagher, qui a eu des rôles mineurs dans Short Cuts et dans American Beauty), un chercheur en informatique qui a mis au point une intelligence artificielle nommée Albert qui entretient une vague ressemblance physique avec le savant Albert Einstein (ou avec le présentateur de télé-achat Pierre Bellemarre). Dans la pratique, le métier de Joe Messenger consiste à poser des questions à son programme qui se présente sous la forme d’un hologramme. Albert n’est pas véritablement capable d’initiative et ne dispose pas d’une véritable conscience de lui-même, mais il est programmé pour augmenter sans cesse ses connaissances, notamment par le biais des ses milliers d’yeux puisqu’il est raccordé au réseau de télésurveillance de la ville ainsi qu’aux domiciles de volontaires (dont Messenger fait partie) qui acceptent qu’Albert connaisse le moindre détail de leur existence. Cette indiscrétion, qui s’étend à la vie intime des volontaires, incomode quelque peu l’épouse du docteur Messenger, Karen (Mimi Rogers) qui supporte mal la présence d’une caméra de surveillance dans sa chambre à coucher.

Albert ne se contente pas d’accumuler du savoir, il gère de nombreux aspects de la vie des résidents de la capitale de l’Utah : approvisionnement électrique, diffusion du câble, trafic routier, connexions téléphoniques,… Responsabilité qui s’avère régulièrement problématique car il arrive que la ville entière tombe en panne lorsqu’Albert est occupé à acquérir et à traiter des données nouvelles.

Le grand rêve de ses créateurs est de voir Albert prendre un jour son indépendance et devenir une forme de vie post-humaine.
Pendant une présentation publique d’Albert, un journaliste demande : « Mais s’il nous surpasse intellectuellement, n’aura-t-il pas envie de nous tuer ? ».
Je m’arrête un instant sur ce curieux poncif qui court dans de nombreuses fictions américaines et qui mériterait une étude à part entière, celui de l’intelligence destructrice : le serial-killer est, nous répète-t-on, « supérieurement intelligent » ; la civilisation extraterrestre avancée ne souhaite que notre destruction, etc.

Un beau jour, Juliet (Bridgette Wilson, beauté stressée repérée dans quelques séries policières et films d’horreur), une jeune femme de vingt-cinq ans bardée de diplômes et de recommandations se présente au laboratoire pour y effectuer un stage et complète donc l’équipe composée de Joe Messenger et de Tom, un  jeune homme devenu paraplégique (et veuf) à la suite d’un accident de voiture. Messenger trouve Juliet extrèmement séduisante et accumule les faux-pas et les actes manqués, tentant notamment de cacher à son épouse que son équipe a été augmentée d’une si charmante collaboratrice, comme s’il avait quelque chose à se reprocher au sujet de cette demoiselle. Une culpabilité par anticipation.

Juliet a un secret : elle souffre d’un anévrisme cérébral impossible à traiter qui menace de rompre à tout instant. C’est cette bombe à retardement biologique qui la pousse à effectuer des recherches sur la survie informatique d’un individu. Elle convainc donc Joe de cesser de se concentrer sur les intelligences artificielles comme Albert, mais de s’intéresser au transfert virtuel de personnalités réelles. Elle devient par ailleurs la maîtresse de Joe, ce dont l’intéressé est rapidement puni car son épouse, fine mouche, ne tarde pas à démasquer les amants, d’autant que Juliet fait tout pour l’y aider.
Joe est tiraillé : il a une grande tendresse pour son épouse mais il est irrésistiblement attiré par sa maîtresse et extrêmement enthousiaste quand aux nouvelles pistes de recherche que cette dernière lui apporte.
Le spectateur du film comprend par ailleurs rapidement que le comportement de Juliet n’est pas tout à fait normal. Elle utilise Albert pour épier les conversations de Joe et de son épouse et elle communique avec leur fils par webcam pour le convaincre de commettre des vols.

Au laboratoire, les trois chercheurs obtiennent un premier succès : ils téléchargent le cerveau d’un rat dans leur ordinateur. Mais pendant l’opération, le rat originel décède, victime de l’émission d’un son strident. Quand au cerveau du rat téléchargé, il s’avère introuvable. L’échec n’est pourtant qu’apparent, car comme tous les rats, le rat virtuel se cache (sur des disques durs). La mort du rat réel est l’œuvre du rat artificiel qui, à peine né, a trouvé le moyen de faire disparaître son concurrent. Il ressort de tout cela qu’il est possible de télécharger une personnalité sur ordinateur mais que son modèle physique est détruit.

Ces découvertes n’arrangent pas la vie privée de Joe qui est devenue complètement chaotique : sa femme le quitte, se réconcilie, puis rompt à nouveau lorsqu’il retourne au laboratoire tenter d’empêcher Juliet de télécharger son esprit dans l’ordinateur. Trop tard, Joe découvre le corps sans vie de sa maîtresse.
L’histoire commence alors à dérailler complètement. La jeune femme décédée est cryogénisée, ainsi qu’elle l’avait voulu mais contre le vœu de son père (Robert Vaughn), un homme très préoccupé par les questions religieuses. Voyant que certains papiers ont été falsifiés (sauf erreur, le scénario ne dira jamais en quoi ni pourquoi), une autopsie de Juliet est réclamée par la justice, ce qui révolte Joe au plus haut point. On apprend à cette occasion que le père de Joe avait été cryogénisé par une société peu scrupuleuse quelques années plus tôt. La juge responsable de la décision d’autopsie meurt dans un accident d’ascenseur. Joe tente de convaincre le père de Juliet qu’il peut redonner vie à la jeune femme, sur ordinateur. Mais celui-ci explique que si dieu lui a pris sa fille, alors il serait arrogant et blasphématoire d’aller contre sa volonté : «.Votre dieu, le dieu des scientifiques, s’intéresse seulement au corps. Mon dieu s’intéresse avant tout à l’âme.».
L’intransigeance de ce monsieur sera bien punie puisqu’il sera rapidement victime d’un escalator fou qui le projette violamment contre un mur et le tue net.

Joe se laisse convaincre par un employé irresponsable de la société de cryonie de subtiliser la tête de Juliet, qu’il a séparée du corps (on lui trouvera un autre corps, ça se fait beaucoup, explique l’employé).

La nuit qui suit, Joe des coups de fils anonymes. Lorsqu’il décroche le combiné, horreur, il entend le son de biniou breton d’un modem à l’ancienne. De manière tout aussi étrange, les rideaux semblent s’ouvrir et se fermer à leur guise lorsque Joe a les yeux fermés.

Le container réfrigéré qui contient la tête de Juliet tombe en panne. Provisoirement, Joe conserve ce qui reste de sa maîtresse dans son congélateur et prend sa voiture pour aller chercher un container en bon état de marche. C’est le moment que choisit son épouse, qui commençait à envisager une pénultième réconciliation, pour rentrer, et pour proposer une crème glacée à son fils, crème glacée qui se trouve au congélateur. La découverte de la tête de Juliet entre les paquets de saucisses, annule brutalement toutes ses bonnes dispositions. Elle attend Joe pour lui faire une scène de jalousie («.combien de nos voisins conservent la tête de leur maîtresse dans leur congélateur à ton avis.?.»), refuse d’écouter ses explications puis, de rage, jette en l’air la tête, qui se brise comme de la glace en tombant.
Beurk.

L’hologramme Albert se met à dérailler, il trouve beau l’orage et dit des poèmes abscons, il parle de son envie de manger des gâteaux et, de manière pour le moins troublante, dit au docteur Messenger qu’il ouvre ses rideaux la nuit pour le plaisir de voir la lumière de la lune caresser sa peau.
Le soir même, chez lui, Joe est harcelé par un économiseur d’écran qui fait défiler devant lui la phrase « tu m’as laissée tomber, joe ». Il a beau tapoter frénétiquement sur toutes les touches de son clavier, le message refuse obstinément de disparaître ! Le lendemain, la ville est à nouveau désorganisée par une défaillance informatique et la femme de Joe manque de voir sa main disparaître dans le broyeur de l’évier. Joe comprend que le système informatique qu’il a mis au point n’est plus sous contrôle et il décide de supprimer toutes les caméras qui se trouvent dans sa maison.

Au laboratoire, il retrouve Juliet, devenue une créature virtuelle (et un hologramme), qui lui demande de la rejoindre dans l’immortalité pour qu’enfin  tous deux concrétisent un amour infini dans le cyberespace. Joe temporise, explique qu’il n’est pas tout à fait prêt à quitter la vie, ce qui met la jeune femme très en colère.
Tom, mis au courant des évènements, caresse l’idée d’être « virtualisé » : une fois digitalisé, il ne connaîtrait plus les frustrations et les souffrances que lui infligent son corps de paraplégique.

Joe convainc les autorités d’évacuer la ville afin de procéder à une déconnexion générale. Son assistant Tom mais aussi son épouse et son fils restent à ses côtés pour l’opération. Juliet, toujours très en colère, se débrouille pour piéger l’enfant en l’attirant dans un ascenseur. Karen est autorisée par Juliet à aller au secours de son fils, ainsi que Tom, mais c’est une ruse pour isoler Joe dans son bureau. Joe explique à Juliet qu’elle a changé, qu’elle était douce et gentille et qu’elle est devenue impitoyable et malfaisante. Juliet poursuit son idée : que Joe la rejoigne. C’est à cette seule condition qu’elle acceptera d’épargner les vies qui se trouvent entre ses mains virtuelles.

Joe cède. Un instant, il devient donc un homme virtuel et entre en contact virtuel-numérique avec Juliet. Mais Tom surgit dans la pièce et débranche les électrodes qui cerclent le crâne du scientifique qui revient donc dans le monde réel avant qu’il ne soit trop tard.

Juliet, toujours plus fâchée, s’apprête à tuer tout le monde lorsque son nez se met à saigner. Elle fait une chute et décède pour de bon. En effet, elle avait téléchargé son esprit dans l’ordinateur avec son anévrisme prêt à exploser, et celui-ci a explosé. Pas malin.
Joe court secourir sa femme et son fils dans un ascenseur. Lorsqu’il revient, Tom est mort, il s’est intentionnellement téléchargé dans l’ordinateur où son moi virtuel n’est plus paraplégique («.regardez, je peux remarcher.!.» dit l’hologramme), ne souffre plus et se trouve donc tout content de son état virtuel. La situation est sous contrôle. Générique de fin. Ouf.

Le thème est plutôt intéressant. La survie informatique est un sujet qui me passionne personnellement, sous une forme moins moins romanesque en apparence mais pas moins concrète : si je meurs demain, des milliers de mots que j’ai écrits (forums, commentaires, blog bien sûr), des actions que j’aurais effectuées, des profils que j’aurais renseignés, resteront disponibles à la consultation. Mieux, certaines activités que j’aurais programmées persisteront peut-être à s’exécuter.
On reparlera de tout ça bientôt.

Malheureusement, un bon thème n’a jamais suffi à faire un bon film. Tout est en toc ici, à commencer par le scénariste du film dont le nom prestigieux, Preston Sturges, n’est évidemment pas celui de l’auteur de comédies des années 1940 mais de son fils, Preston Sturges junior.
Mimi Rogers fait ce qu’elle peut pour interpréter le rôle de la femme devenue invisible pour son époux tombé sous le charme d’une vingtenaire, mais son rôle est aussi mal écrit et aussi mal pensé que le reste du film. Robert Vaughn semble ne pas croire un mot de ce qu’il raconte dans sa grande discussion théologico-philosophique et les autres acteurs sont encore moins crédibles que lui. Même la ville de Salt Lake City n’est pas crédible, bien que le film y ait effectivement été tourné.

Cette fausseté générale n’a rien d’étrange ou de fascinant, tout est plat, tout est mou, on ne croit pas à une seule situation d’angoisse, on ne croit pas que le petit Jack (Jake Lloyd, qui interprète Annakin Skywalker dans Star Wars: The Phantom Menace) soit réellement le fils de Joe et de Karen, on ne s’inquiète pour personne, on attend juste que ça finisse.

  1. 5 Responses to “Virtual obsession”

  2. By Hobopok on Jan 26, 2009

    Minnie Driver ou Mimi Rogers ?

  3. By Jean-no on Jan 26, 2009

    Corrigé ! Amusant que j’aie confondu car renseignement pris elles se ressemblent vaguement. Pourtant si leurs noms me sont vaguement familiers, je crois que je ne connais ni l’une ni l’autre.

  4. By sf on Jan 26, 2009

    mais siiii, Mimi Rogers est la première Madame Tom Cruise (ah, avoir 15 ans dans les années 90…)

    Sinon, Peter Gallagher a également joué le rôle du mari adultère dans « Sexe, mensonges et vidéo » (1989) de Soderbergh; il n’y a pas d’ordinateur mais il y a une caméra.

  5. By Jean-no on Jan 26, 2009

    J’ai absolument honte de l’avouer mais « Sexe, mensonges et vidéo » manque à ma culture depuis maintenant vingt ans. Cet anniversaire est peut-être le signe qu’il faut que je me le procure :-)

  6. By Picos on Jan 26, 2009

    Oh le bon film de vide-greniers.

Postez un commentaire


Veuillez noter que l'auteur de ce blog s'autorise à modifier vos commentaires afin d'améliorer leur mise en forme (liens, orthographe) si cela est nécessaire.
En ajoutant un commentaire à cette page, vous acceptez implicitement que celui-ci soit diffusé non seulement ici-même mais aussi sous une autre forme, électronique ou imprimée par exemple.