Profitez-en, après celui là c'est fini

L’Association dans la tourmente

janvier 29th, 2011 Posted in Bande dessinée

L’Association à la pulpe, plus connue sous le nom L’Association, est un éditeur parisien fondé en 1990 par une poignée d’auteurs : Matt Konture, Lewis Trondheim, Patrice Killofer, Stanislas Barthélémy, David B, Mokeït et Jean-Christophe Menu. En vingt ans, cet éditeur a révélé des talents très divers, à commencer par ceux de ses fondateurs, a joué un rôle central dans l’internationalisation de la bande dessinée « alternative » et a permis la réédition de trésors oubliés. Son catalogue contient des succès commerciaux ou critiques tels que Persepolis de Marjane Satrapi, Le Journal d’un album de Dupuy et Berberian, 676 apparitions de Killoffer de Patrice Killoffer, Les carottes de Patagonie de Lewis Trondheim, L’Ascension du haut mal de David B, Panier de singe de Ruppert et Mulot, Frank de Jim Woodring, Pascin de Joann Sfar, Changements d’adresses de Julie Doucet, La guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert, Coney Island Baby de Nine Antico, PyongYang de Guy Delilsle, Livret de phamille de Jean-Christophe Menu, mais aussi des rééditions de Gébé, Forest, Mattioli, des albums de bande dessinée expérimentale avec l’Oubapo (parent bédéphilique de l’OuLipo), des essais (Plates-bandes de Menu, Contre la bande dessinée de Gerner, Désoeuvré de Trondheim) et deux revues, l’éphémère Éprouvette et la vingtenaire Lapin.

Un des projets emblématiques de l’Association est le Comix 2000, ouvrage collectif de 2000 pages, au format dictionnaire et dont les bandes dessinées, muettes, émanent de plus de de trois cent auteurs venus d’une trentaine de pays.

L’Association doit énormément à Jean-Christophe Menu, qui a développé des principes graphiques éditoriaux cohérents, identifiables au clin d’œil, souvent imités mais rarement égalés, dans la lignée d’Étienne Robial période Futuropolis. Menu est aussi le bretteur de la bande, le militant, connu pour ses éditoriaux rageurs, ses combats, ses coups de gueule, ses manières d’enfant gâté et ses engueulades homériques.
Il y a dix ans, Menu a pris ses distances avec l’Association pour fonder sa propre structure, JC Menu éditeur. Son premier livre, Carnet, était une luxueuse collection de dessins de Jacques Tardi — auteur suffisamment populaire pour parier sur un succès qui aurait assuré une trésorerie conséquente à ce nouveau-né de l’édition.
Malheureusement, le livre était un peu trop cher et s’est mal vendu. Menu est donc revenu vers l’Association, dont il a définitivement pris les rênes, tout en refusant d’assumer précisément et officiellement ses responsabilités. Il y a bien longtemps, sans doute, que l’Association aurait dû devenir une société privée comme les autres : les prises de décision sont de plus en plus opaques, peut-être même aux franges de la légalité car, semble-t-il, le bureau exécutif n’a pas été renouvelé régulièrement. La plupart des membres fondateurs du collectif se sont peu à peu éloignés et le comité de lecture qu’ils formaient s’est dissous. La ligne éditoriale de l’Association est devenue un peu moins équilibrée, plus difficile à suivre et de nombreux auteurs historiques ou emblématiques du catalogue sont partis voir ailleurs, de gré ou de force.

Deux jours après que Jean-Christophe Menu ait soutenu avec succès sa thèse intitulée La bande dessinée et son double, on apprenait que les salariés de l’Association se mettaient en grève, protestant contre les conditions du licenciement de trois ou quatre d’entre eux (sur sept) sans concertation, sans prise en compte des solutions alternatives qu’ils proposent, sans tenue d’une assemblée générale extraordinaire, et sans connaissance complète de la situation comptable de la maison d’édition…
Soutenus par la quasi-totalité des auteurs et par la plupart des acteurs de l’édition « indépendante », les salariés de l’Association ont présenté, pour l’édition 2011 du festival d’Angoulême, le triste stand dont je montre les photos ici-même.
On peut manifester son soutien sur Lapétition.be.

Mise à jour du 29/01 à 15h47 : il semble que le stand de l’Association à Angoulême ait réouvert, ce qui fait suite à des discussions très encourageantes entre les différentes parties impliquées.

(lire ailleurs : Longue vie à l’Association (blog) ; La démocratie et son double – Cornélius ; le blog de Joann Sfar)

  1. 11 Responses to “L’Association dans la tourmente”

  2. By Stéphane Deschamps on Jan 29, 2011

    Je tombe de haut, j’avais pas mal pris mes distances par la force des choses avec le monde de la BD (pas la lecture mais le milieu), et je viens de lire ce qu’en disent Joann Sfar et « Cornélius » et ça me scie.

    C’est loin de ce que je me faisais comme image.

  3. By Jean-no on Jan 29, 2011

    @Stéphane : tiens, à lire aussi ce compte-rendu intéressant.

  4. By jyrille on Jan 30, 2011

    Je n’ai plus l’habitude de m’acheter des albums de l’Association mais je tombe de haut aussi. Voilà une bien triste situation et peut-être fin pour un projet aussi beau au départ.

    Je vais chercher un peu ce qu’en disent Sfar et les éditions Cornélius (que j’achète un peu plus souvent).

  5. By tehu on Jan 30, 2011

    Les révolutionnaires ne font pas forcément de bons gestionnaires.

  6. By Jean-no on Jan 30, 2011

    @tehu : Les réactionnaires non plus (cf. le déficit de l’état qui a tout simplement doublé en trois ans). Je pense que c’est surtout la pureté (politique, esthétique,…) qui s’accommode mal des questions triviales.

  7. By Sarah Ziry on Jan 30, 2011

    « Je n’ai plus l’habitude de m’acheter des albums de l’Association mais je tombe de haut aussi. Voilà une bien triste situation et peut-être fin pour un projet aussi beau au départ. »

    Ce n’est pas la fin je pense, juste une dure periode, mais qui je l’espere et avec le temp va evoluer en bien, n’oublier pas pour ce qui ne l’on pas encore fait de signer la petition.

    « Matt Konture », merde alors depuis le temp vous ne savez toujours pas que « matt konture », prend trois t a la fin Mattt Konture quoi, c’est fou de ne pas savoir sa !

  8. By Jean-no on Jan 30, 2011

    @Sarah : trois « t », c’est beaucoup trop pour moi. Je refuse.

  9. By Sarah Ziry on Jan 30, 2011

    @Jean-no: Par respect de l’artiste, tu devrais pas refuser, enfin bon c’est toi qui gerre.

  10. By Wood on Fév 1, 2011

    Concernant la « réouverture » du stand à Angoulême :

    Je n’y suis pas allé le samedi, mais le vendredi et le dimanche il était toujours aussi vide que sur la photo, avec juste une ou deux piles d’albums accompagnés d’une affichette (que j’ai oublié de photographier) qui disait qu’ils étaient vendus par des auteurs soutenant la cause des employés de l’Association, ou au profit de leur cause, je ne me souviens plus très bien.

    (un ami anglais qui y est passé le samedi me dit qu’il n’y a vu que « just a few artists selling & signing their own books. »

    Mattt Konture était présent sur la stand à certains moments, et ses albums faisaient partis de ceux qui étaient vendus.

  11. By PdB on Fév 1, 2011

    (on met un s à trois cents, putain, jean no) (ça craint pour l’asso dis donc)(dlamerde)

  12. By Altshift on Mar 7, 2011

    Si « l’association » était devenue une société elle aurait forcément dû changer de nom… et si elle était rentable, la société aurait déjà été rachetée. Bref, c’est un peu la destinée des mouvements alternatifs d’êtres dissouts dans le SARL quand ils rencontrent le succès non ?

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